Justin Couet

Quelle déception lorsque notre équipe de Nationale 3 a été reléguée dans la division inférieure l’année dernière. Elle qui, sur le papier, semblait pouvoir traverser la saison paisiblement, voire même briguer la montée a joué de malchance et, tombant de Charybde en Scylla, a vu ses espoirs anéantis en un tournemain.

Qu’à cela ne tienne, concourant désormais dans la plus basse catégorie, les lions Albigeois n’ont plus le choix : ils doivent absolument remonter. Charles Taurines, solide titulaire depuis de nombreuses années, a quitté l’équipe. Il suit encore assidûment nos résultats et sait prodiguer quelques conseils adroits sur le gambit roi ou tout autre ouverture farfelue. Il est revenu nous affronter et montrer qu’il n’avait rien perdu de sa fraîcheur à l’occasion du traditionnel blitz de l’Epiphanie, rassemblement que tous les joueurs d’Albi, de Gaillac et de Blaye attendent autant que le père Noël. Il a pu rencontrer Brayan Paredes, son remplaçant dans l’équipe. Ce blitz, remporté par Nicolas Arlabosse est l’occasion parfaite pour retrouver ses amis mais surtout faire le bilan de ce début de saison déjà riche en événements. On se rappelle l’open Tarn nord, le trophée Michel De Baralle mais les discussions tournent principalement autour de la saison d’interclubs en cours. Les joueurs de Gaillac et de Blaye, concurrents directs, ne sont pas en reste.

Pour l’instant Albi 1 et Gaillac sont en tête du classement et l’équipe de Blaye-les-Mines traîne la patte, vaincue par Gaillac. Albi 2, habituée aux déboires inhérents à une équipe trop forte pour les divisions régionales et trop faible pour la Nationale 4, est bonne dernière.

La première rencontre est décisive.. Il faut à tout prix rentrer dans le bain, mais doucement, sans se brûler, sans oublier de se mouiller la nuque. La défaite n’est pas une option car se compromettre si tôt dans la saison revient à enterrer ses rêves de montée. A l’aune de ce constat, rencontrer les vaillants Ruthénois n’est pas une mince affaire mais les hasards du tirage au sort ne sont pas faits pour réjouir les trouillards ni bercer les endormis. Comme prévu, le choc est frontal et rude. Dans le froid d’octobre, alignés un nouvelle fois, café en main, les joueurs démarrent les pendules. Pendant cinq heures on entend plus que le bruit sourd des balanciers, les raclements de chaises et les chuchotis des spectateurs. Les deux premières heures sont particulièrement tendues. La situation semble s’éclaircir avec les premiers résultats. Si Ludovic doit rapidement s’incliner devant le redoutable Garnik Manasyan, Seyfedine, de retour au club pour quelques mois, Philippe, Mathis et Justin remportent tour à tour leur match. Ils apportent les 4 points nécessaires à une égalité. Mathis avec les blancs est magistral et ne laisse aucune chance à son pauvre adversaire. Il multiplie les facéties tactiques et de l’autre côté de l’échiquier, dépité, on n’a d’autre choix que de tendre la main. Philippe au septième échiquier prend exemple sur la jeunesse et, tout en finesse, asphyxie Francis Brugel. L’ouverture de Philippe, une est-indienne, est particulièrement bien maîtrisée car prendre l’avantage dans ce genre de structure est un défi herculéen. Seyfedine quant à lui n’a de leçon à recevoir de personne, pas même de Mikhaïl Tal. Il exécute, à la manière de ce dernier, un sacrifice à la limite du correct, mais tellement dur à réfuter que les blancs sont contraints de coucher le roi assez rapidement. Justin n’a pas beaucoup plus d’efforts à faire car Fabien Tanguy se risque dans une anglaise tactique, qui avantage les noirs sans prise de risque. A partir du moment ou le roi blanc se promène au milieu de l’échiquier la partie est déjà gagnée.

Alors que la rencontre semble déjà terminée Gérard s’incline dans une position tactique très tendue. Prêt à asséner le coup fatal il se trompe et s’englue dans son propre piège. Il ne reste que Brayan et Pierre-Louis pour rapporter le demi-point nécessaire à la victoire. Après avoir écrasé son adversaire dans le milieu de jeu, celui-ci laisse l’avantage lui échapper. En finale, la supériorité numérique des guerriers de bois noir, jusqu’alors endiguée par des pièces actives, devient une arme trop puissante. Brayan ne parvient pas à arrêter la marée de pions adverse. Tout repose désormais sur un Pierre-Louis en très mauvaise posture. Après une ouverture difficile pour lui, le manque de temps le pousse au bord du gouffre. Son adversaire, également en zeitnot, a une fatale seconde d’inattention. Dans le feu de l’action il oublie que sa tour est en prise et le mal est fait. Cette heureuse mésaventure permet à l’équipe albigeoise de remporter ce premier match sous haute tension. Un grand pas est fait car Rodez était une des équipes des plus fortes de la poule. A Montauban, l’équipe 2 doit s’incliner 3 à 4, à deux doigts de l’égalité.

Peu après, c’est un duel fratricide qui attend les deux équipes. Si Albi 2 semble ne pas faire le poids, tout n’est pas joué d’avance car les jeunes et moins jeunes joueurs de l’équipe 2 ont plus d’un tour dans leur sac. Le résultat, 5 à 3, en est le témoin. Les jeunes ont particulièrement brillé puisque Charles, Aren et Loïc remportent leur duel. Aren bat brillamment Braian sur un échiquier en folie, où les tactiques fusent et où le contrôle des nerfs prime sur les compétences échiquéennes. Loïc, en grande difficulté face à Gérard réussit à retourner la situation en activant ses pièces avec brio. Charles s’empare du point sur une erreur d’inattention de Philippe dans une finale très égale.

Du côté des anciens le combat est plus ardu. Rachel tombe sur un os : elle joue exactement la même partie que Fabien un mois plus tôt. Justin, qui n’a pas joué entre temps, est sans pitié. Félix, Pierre-Louis et Ludovic ont le regard acéré et ne laissent rien passer. Ils acculent leur adversaire à coup de pointes tactiques. Japp, Jean-Claude et Christophe ne peuvent rien faire et rendent les armes. La dernière partie, à laquelle tous sont scotchés, oppose Jean-Michel et Jean-Philippe. La stratégie initiée par le premier, celle du bulldozer, porte ses fruits. Malgré une résistance acharnée de la part de Jean-Philippe, Jean-Michel ouvre des brèches dans la défense adverse, s’y engouffre et frappe en plein cœur. Pas de chichi ! On se félicité, on se tape dans le dos, ce n’est que partie remise. Les vainqueurs du jour n’ont qu’à bien se tenir !

Le dernier match de la saison à lieu à Toulouse, où un autre match, beaucoup moins important, se déroule au même moment. Juste à côté de la salle du CATE, des milliers de Toulousains acclament le Stade, qui affronte Ulster. Si les cris de joie ne parviennent pas à briser le calme échiquéen, l’esprit combatif des rugbymen est communicatif et l’équipe d’Albi est prête à tout. Pour ce match, Elion et François ont remplacé Ludovic et Philippe. Si les Toulousains se sont aisément imposés au stade, devant l’échiquier, la bataille est moins facile. L’équipe d’Airbus, une des plus faibles de la poule est fébrile, et cela se ressent dans leur jeu. Justin et Félix impriment un rythme d’enfer et l’adversaire de Félix s’écroule rapidement. Cette bonne nouvelle est nuancée par la défaite d’Elion qui, après avoir courageusement résisté, doit abandonner à cause d’une erreur d’inattention. François semble pagayer dans la semoule, sa pendule tourne. Jean-Michel a perdu un pion. Gérard tente de mettre le feu à l’échiquier mais rien ne bouge et le partage du point semble être l’issue la plus probable. Mathis quant à lui s’est embarquée dans une sicilienne très tendue, qui ne semble pas prête de se terminer de si tôt.

Enfin, François sort de sa léthargie, et, comme Napoléon après l’une de ses fameuses siestes, trucide sa pauvre adversaire. Mathis fait de même, malgré les nombreux gâteaux qui s’accumulent dans son ventre. Avec l’accord du capitaine qui veille au grain, Gérard, Jean-Michel et Pierre-Louis signent la nulle dans des positions relativement plates. Justin, dernier joueur encore en lice, ne parvient pas à enfoncer le clou et laisse son adversaire sortir la tête de l’eau. Un sacrifice audacieux semble pouvoir lui apporter la victoire mais avec le manque de temps il se trompe lourdement et entre dans une finale totalement nulle. L’équipe d’Albi repart donc victorieuse, à l’instar du Stade Toulousain. Albi 2 a, pendant ce temps là, beaucoup souffert à Rodez où elle a perdu 7 à 0. L’équipe de Rodez est décidément une épine dans le pied de nos Albigeois.

Nos aficionados se racontent donc toutes ces péripéties autour du verre de mousseux offert pour l’occasion. Tous ont hâte du prochain match, qui verra s’affronter Albi 1 et Blaye et Albi 2 et Gaillac. Vers minuit on éteint les dernières pendules, les dernières lumières et on se souhaite la bonne année une dernière fois. Nul doute que cette année 2025 sera tout aussi fructueuse que la précédente.

Justin Couët

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